"Madame la Présidente, Monsieur le Président du Parle-ment, honorables chefs d'État et de gouvernement, honorables membres de la Commission et du Parlement, citoyens de l'Europe.
Autorisez-moi de me joindre à mes collègues et amis pour réaffirmer qu'aujourd'hui n'est pas un jour ordinaire. Non, aujourd'hui est un jour sans précédent dans l'histoire de ce continent. Notre continent. Nous sommes tous réunis dans ce bâtiment remarquable, symbole de nos institutions démocratiques, pour célébrer un évènement que l'Europe n'a jamais connu par le passé : une union de volontés, et non une union de contraintes.
Pendant des siècles, chacune de nos nations a inconsidérément emprunté les chemins de la discorde, de la haine, de la domination et de la trahison, aveuglée par l’affirmation de sa droiture. En dépit de nombreuses tentatives sincères de renforcer nos liens et de s'accrocher à un objectif commun, nos vieux démons continuaient de nous posséder. En conséquence, les siècles s'écoulèrent, sacrifiant des millions d'âmes innocentes tels des accessoires insignifiants. En tant que dirigeants, nous demeurons, malgré nous, les gardiens de cet héritage insensé et horrible fait de sang et de larmes. Nous ne devons plus accepter d’être les complices silencieux de ces actes et de continuer à nous cacher la tête dans le sable.
Aujourd'hui, le temps est enfin venu de nous racheter et de procurer aux générations futures les espoirs si longtemps refusés aux précédentes. Il est de notre devoir sacré de contempler cette liste interminable d'erreurs passées et de nous assurer que, dorénavant, nous engagerons les étapes et les actions nécessaires pour protéger et défendre les droits fondamentaux auxquels chaque individu sous notre responsabilité a droit. Maintenant, plus que jamais, alors que nous sommes collectivement confrontés à un avenir précaire. Quand notre liberté et nos valeurs universelles sont menacées à notre porte. Quand, de l'autre côté de l'Atlantique, la nation qui représentait autrefois le phare de la démocratie et de la liberté est confrontée à sa pire crise d'identité depuis 1861, plongeant des régions entières du globe dans la tourmente politique et l'incertitude. Lorsque certains groupes religieux et factions politiques tentent de nous dicter notre mode de vie. Lorsque, enfin, l'essence même de la vie sur cette planète et notre propre existence en tant qu'espèce sont en jeu.
Par conséquent, comme Président élu de la France, avec l'approbation de mon Parlement national, j'engage mon pays au service de notre nouvelle Fédération. À ce titre, je renonce officiellement à nos pouvoirs régaliens et jure allégeance à sa Constitution ad Perpetuum.
Mais pas uniquement. Nous, vos représentants, prononçons ce vœu solennel en cette aube nouvelle. Nous ne pouvons pas, et ne voulons pas, demeurer des témoins silencieux alors que le monde s'enfonce lentement dans la folie. Pour citer Maurice Schumann, il y a cent ans,"la paix mondiale ne peut être sauvegardée sans un effort créateur proportionné aux dangers qui la menacent. La contribution qu'une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques".’
Mes chers concitoyens, adressons ce message par-delà les continents : ne perdez pas confiance, l'Europe est à vos côtés ! Et, c'est là tout l'enjeu de la réalisation d'aujourd'hui. L'humanité vit un moment crucial de son histoire. En saisissant cette occasion d'unir ses forces et de rompre les liens qui nous paralysent, notre Union montre la voie vers un monde plus stable en parlant d'une seule voix. Le jour où l'Inde est devenue indépendante, le Premier ministre Jawaharlal Nerhu a déclaré à sa nation :"Pourtant, le moment décisif est passé, et l'histoire recommence pour nous, l'histoire que nous vivrons et agirons, et que d'autres écriront".Cette sagesse doit devenir la nôtre.
En cet instant précis, les nations de la Terre nous re-gardent fixement, certaines avec louange, d'autres avec crainte. Aux premières, nous disons : « Nous sommes honorés de votre confiance ». Aux secondes, nous déclarons, « Nous ne sommes pas vos ennemis, respectez-nous, et nous vous respecterons également ». Oui, j’en conviens ; ce sont des mots substantiels générant des attentes élevées. La prochaine administration a l'obligation morale de les mettre en œuvre. Nous prenons cet engagement devant vous. Conscients que l'échec de cette démarche ramènera irréversiblement l'horloge au point de non-retour. C'est le moment charnière où nous rejetons nos vieux démons, une fois pour toutes, et où nous nous engageons à assurer la stabilité et la prospérité de ceux à qui nous sont désormais redevables.
Je conclurai mon propos en citant une ancienne Première ministre britannique. En 2002, elle affirma que l'Union européenne était un"projet utopique classique, un monument à la vanité des intellec-tuels, un programme dont le destin inévitable est l'échec."Permettez-moi de vous le dire haut et fort : en ce jour du 25 mars 2057, nous lui donnons tort. L'Union européenne n'a pas échoué ! Elle n'a pas échoué parce que nous sommes déterminés à réaliser l'impossible.
Longue vie à la Fédération Unie d'Europe ! Merci !"